Le private equity - ou capital-investissement - a longtemps été l'apanage des investisseurs institutionnels, des family offices et des grandes fortunes. Pendant des décennies, investir au capital d'entreprises non cotées nécessitait plusieurs centaines de milliers d'euros et un carnet d'adresses bien rempli.
Mais les choses ont changé. Depuis une dizaine d'années, l'accès au private equity s'est largement démocratisé en France. Aujourd'hui, dès 10 000€, un particulier peut diversifier son patrimoine en participant au financement de PME, de startups ou d'entreprises en développement.
Cette ouverture s'explique par plusieurs facteurs : réglementation favorable, multiplication des fonds grand public (FCPR, FCPI, FIP), émergence de plateformes digitales de crowdequity, et surtout, une appétence croissante des épargnants pour des placements décorrélés des marchés financiers traditionnels.
Pourtant, le private equity reste mal compris. Beaucoup d'investisseurs ignorent comment y accéder concrètement, quels rendements espérer, quels risques assumer, ou encore quelle fiscalité s'applique. Cet article fait le point, en toute transparence, sur cette classe d'actifs désormais accessible au plus grand nombre.
Le private equity désigne l'ensemble des investissements réalisés au capital d'entreprises qui ne sont pas cotées en Bourse. Contrairement à l'achat d'actions sur Euronext ou le Nasdaq, on entre ici directement - ou via un fonds - au capital de sociétés en phase de création, de croissance, de transmission ou de redressement.
Il existe plusieurs sous-catégories dans le private equity, chacune correspondant à un stade de vie de l'entreprise :
Pour un particulier, l'accès se fait rarement en direct (sauf via des dispositifs spécifiques comme les holdings ou le crowdequity). La voie royale reste l'investissement dans un fonds de private equity, géré par une société de gestion agréée par l'AMF. Ces fonds collectent l'épargne de plusieurs dizaines ou centaines d'investisseurs, puis déploient ces capitaux dans un portefeuille diversifié d'entreprises non cotées.
Historiquement, le private equity affiche des performances supérieures aux marchés actions cotés sur le long terme. Selon France Invest, le taux de rendement interne (TRI) moyen des fonds de capital-investissement français se situe entre 10% et 12% nets de frais sur 10 ans, contre environ 7-8% pour le CAC 40 dividendes réinvestis sur la même période.
Plusieurs raisons expliquent cette surperformance :
Exemple concret : un investisseur qui aurait placé 50 000€ dans un FCPR en 2015 (horizon 8 ans), avec un TRI de 10%, aurait récupéré environ 107 000€ en 2023, soit un gain brut de 57 000€. À comparer avec un placement équivalent sur un fonds actions classique (PEA ou assurance-vie en unités de compte).
Attention toutefois : ces performances sont des moyennes. Tous les fonds ne se valent pas. Certains délivrent des TRI à 15-20%, d'autres stagnent à 3-4%, voire affichent des pertes. D'où l'importance cruciale de la sélection du gérant et de la diversification.
Pour un particulier souhaitant investir en private equity sans passer par une holding personnelle ou un investissement direct (complexe et risqué), trois catégories de fonds réglementés s'offrent à lui :
1. FCPR (Fonds Commun de Placement à Risques)
Le FCPR est le véhicule de référence du private equity en France. Il doit investir au moins 50% de son actif dans des PME non cotées ou des entreprises de moins de 500 salariés. Le reste peut être placé en liquidités ou en valeurs cotées.
Exemple : le fonds Seventure Partners Innovation Fund, spécialisé dans la santé et la deeptech, affiche un TRI net de 11,3% depuis son lancement, avec un ticket minimum de 30 000€.
2. FCPI (Fonds Commun de Placement dans l'Innovation)
Le FCPI est un FCPR "dopé fiscalement". Il doit investir au moins 70% de son actif dans des PME innovantes (label reconnu par Bpifrance ou dépenses de R&D représentant au moins 10% des charges).
Exemple : un investisseur qui place 20 000€ dans un FCPI bénéficie immédiatement de 5 000€ de réduction d'impôt. Si le fonds délivre un TRI de 8% sur 8 ans, il récupère environ 37 000€, soit un gain net de frais de 17 000€, auquel s'ajoute l'avantage fiscal initial.
3. FIP (Fonds d'Investissement de Proximité)
Le FIP fonctionne comme le FCPI, mais avec une contrainte géographique : au moins 70% des investissements doivent être réalisés dans des PME situées dans une région ou un département spécifique (FIP régional ou Corse).
Exemple : le FIP Nouvelle-Aquitaine d'Aqui-Invest finance des PME bordelaises et périgourdines. Un investisseur de Bordeaux peut ainsi conjuguer rendement financier, avantage fiscal et soutien à l'écosystème local.
Au-delà des fonds réglementés, une autre voie s'est ouverte depuis 2014 avec le crowdequity (financement participatif en capital). Des plateformes agréées par l'AMF permettent aux particuliers d'investir directement au capital de startups ou de PME en croissance, souvent dès quelques centaines ou milliers d'euros.
Principales plateformes françaises :
Avantages du crowdequity :
Inconvénients :
Exemple concret : un investisseurplace 5 000€ dans une startup medtech via Wiseed en 2020. En 2025, la société est rachetée par un groupe pharmaceutique. L'investisseur récupère 18 000€ (x3,6), soit un TRI de 29% sur 5 ans. Mais sur les 10 startups dans lesquelles il a investi au total (50 000€), 4 ont fait faillite (perte de 20 000€), 4 stagnent, et 2 ont réussi. Bilan global : gain net de 10 000€, soit un TRI de 3,7%. D'où l'importance de diversifier massivement (au moins 10-15 lignes) en crowdequity.
Les performances du private equity varient énormément selon le type de fonds, le millésime (année de lancement), la stratégie (venture, growth, LBO), et bien sûr le talent du gérant.
Voici les ordres de grandeur constatés en France sur les 10-15 dernières années :
À titre de comparaison :
Le private equity offre donc un différentiel de rendement de 3 à 5 points par rapport aux placements traditionnels, en contrepartie d'une illiquidité et d'un risque accrus.
Exemple chiffré :
Un investisseur qui place 30 000€ dans un FCPR en 2025, avec un TRI net de 10% sur 8 ans, récupérera environ 64 000€ en 2033. Gain brut : 34 000€. Si le même investisseur avait placé cette somme sur un fonds euros à 2,5%, il aurait récupéré 36 500€ (gain de 6 500€). Différence : 27 500€ supplémentaires. Mais il aura assumé un risque de perte partielle ou totale pendant 8 ans, sans pouvoir récupérer son argent avant.
Le principal inconvénient du private equity - et il est majeur - c'est l'illiquidité. Contrairement à une action cotée que vous pouvez revendre en quelques secondes, une part de FCPR ou une participation au capital d'une startup via crowdequity reste bloquée pendant toute la durée de vie du fonds ou jusqu'à la sortie de l'entreprise.
Durées de blocage typiques :
Il existe bien un marché secondaire pour certains fonds (plateformes spécialisées comme Eurazeo Secondary ou Alix Capital), mais :
Le second risque majeur, c'est la perte en capital. Investir dans des entreprises non cotées, c'est assumer le risque entrepreneurial. Une PME peut faire faillite, une startup peut échouer à trouver son marché, un LBO peut se solder par un défaut de remboursement de la dette.
Statistiques France Invest (moyenne 2010-2020) :
En contrepartie, les "winners" (les 10-20% d'entreprises qui surperforment) compensent largement les pertes et tirent la performance globale du fonds. C'est toute la logique du portefeuille diversifié : miser sur 20-30 entreprises pour que 3-5 "pépites" financent les échecs.
Profil investisseur adapté :
Le private equity n'est PAS fait pour vous si :
Le private equity PEUT vous convenir si :
Règle de bon sens : ne placez en private equity que 10% à 20% maximum de votre patrimoine financier. Pas plus. Cette classe d'actifs doit rester un complément, jamais le cœur de votre stratégie patrimoniale.
La fiscalité du private equity est complexe et dépend à la fois du véhicule choisi (FCPR, FCPI, FIP, crowdequity) et de la durée de détention. Voici les règles applicables en 2025.
1. Impôt sur le revenu (IR) : réduction à l'entrée
2. Plus-values : imposition à la sortie
À la revente des parts (ou au débouclage du fonds), la plus-value réalisée est imposable selon deux régimes possibles :
Exemple concret : un investisseur place 20 000€ dans un FCPR en 2025 et revend ses parts en 2035 pour 50 000€. Plus-value : 30 000€. Durée de détention : 10 ans.
Si le même investisseur avait opté pour la flat tax (sans abattement) : 30 000€ x 30% = 9 000€. L'abattement pour durée de détention est donc intéressant dès lors qu'on dépasse 8 ans et qu'on est imposé dans une tranche marginale inférieure ou égale à 30%.
3. IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière)
Contrairement à l'ancien ISF, l'IFI ne taxe que le patrimoine immobilier. Les parts de FCPR, FCPI, FIP ou participations directes dans des sociétés opérationnelles sont donc exonérées d'IFI (sauf si elles détiennent de l'immobilier non affecté à l'activité professionnelle).
Cas particulier : si vous détenez plus de 25% du capital d'une PME et que vous y exercez une fonction de direction (gérant, président, DG), vos parts sont totalement exonérées d'IFI au titre des "biens professionnels". Intéressant pour les chefs d'entreprise ou les investisseurs impliqués.
4. Transmission (droits de succession et donation)
Les parts de fonds de private equity sont transmissibles avec application des droits de succession ou de donation classiques. Toutefois, certains dispositifs permettent de réduire la facture :
Face à la multiplication des offres (plusieurs centaines de fonds de private equity en France, des dizaines de plateformes de crowdequity), comment s'y retrouver ? Voici les 7 critères à examiner impérativement avant d'investir.
1. Track record du gérant
C'est LE critère numéro 1. Un fonds de private equity vaut ce que vaut son équipe de gestion. Regardez :
Ne vous laissez jamais séduire par des promesses de TRI à 20% sans examiner les chiffres historiques réels. Méfiez-vous des fonds "jeunes" (moins de 5 ans d'existence) qui n'ont pas encore prouvé leur capacité à déboucler des opérations avec succès.
2. Stratégie d'investissement claire
Un bon fonds de private equity a une thèse d'investissement précise :
Fuyez les fonds "fourre-tout" qui investissent dans tout et n'importe quoi. La spécialisation est un gage d'expertise.
3. Taille du fonds et nombre d'investisseurs
Un fonds trop petit (moins de 10M€) risque de manquer de diversification et d'avoir du mal à financer plusieurs tours de table. Un fonds trop gros (plus de 500M€) peut être difficile à déployer efficacement, surtout en capital-risque.
Idéalement, pour un FCPR ou FCPI grand public : entre 30M€ et 150M€ levés, avec 50 à 300 investisseurs particuliers.
4. Frais de gestion et carried interest
Les frais du private equity sont élevés, c'est un fait. Mais ils doivent rester raisonnables :
5. Transparence et reporting
Un gérant sérieux vous envoie un reporting trimestriel ou semestriel détaillé : valorisation du portefeuille, nouvelles participations, sorties réalisées, perspectives. Il organise également une assemblée générale annuelle où vous pouvez poser vos questions.
Méfiez-vous des fonds opaques qui ne communiquent qu'une fois par an avec un document de 2 pages.
6. Liquidité et durée de vie
Vérifiez bien la durée de vie prévue du fonds (généralement 7-10 ans) et les conditions de sortie anticipée (marché secondaire, clauses de liquidité exceptionnelle). Certains fonds prévoient des fenêtres de liquidité tous les 2-3 ans, d'autres non.
7. Agrément AMF et label
Tous les fonds de private equity commercialisés en France doivent avoir un agrément AMF (Autorité des Marchés Financiers). Vérifiez sur le site de l'AMF que le fonds est bien enregistré. Pour les FCPI/FIP, l'agrément fiscal (Bpifrance) est également indispensable pour bénéficier de la réduction d'impôt.
Certains fonds disposent de labels qualité (Label Finansol pour l'investissement solidaire, Label Greenfin pour la finance verte). Un plus, mais pas un critère décisif.
En private equity, la règle d'or c'est : ne jamais mettre tous ses œufs dans le même panier. Même le meilleur gérant du monde peut connaître un millésime décevant. Même la startup la plus prometteuse peut faire faillite.
Voici les principes de diversification à respecter :
1. Diversification par véhicule
Ne placez pas 100% de votre allocation private equity dans un seul FCPR. Idéalement :
2. Diversification par millésime
Les performances du private equity varient fortement selon l'année de lancement du fonds (effet millésime). Un fonds lancé en 2020 (post-Covid, valorisations basses) affichera probablement de meilleures performances qu'un fonds lancé en 2021 (bulle tech, valorisations hautes).
Solution : investir progressivement, sur 2-3 ans, dans des fonds de millésimes différents.
3. Diversification sectorielle
Ne misez pas uniquement sur la tech ou la santé. Répartissez entre plusieurs secteurs (industrie, services B2B, retail, agroalimentaire, etc.). Les cycles économiques affectent différemment chaque secteur.
4. Diversification géographique
Un fonds 100% France, c'est bien pour soutenir l'économie locale. Mais ajouter un fonds Europe ou international permet de capter des opportunités sur des marchés plus dynamiques (Allemagne, Scandinavie, USA).
Montant minimum à investir pour une vraie diversification :
En dessous de 20 000€, la diversification est difficile. Mieux vaut alors se concentrer sur un seul FCPI de qualité (pour profiter de la réduction fiscale) ou passer par des fonds de fonds (des fonds qui investissent eux-mêmes dans plusieurs fonds de private equity).
Pour rendre tout cela plus tangible, voici trois profils d'investisseurs fictifs (mais réalistes) et la manière dont ils peuvent structurer leur allocation private equity.
Profil 1 : Jeanne, 42 ans, cadre supérieure, 80 000€ à investir
Situation : Jeanne gagne 90 000€ bruts par an, soit environ 5 500€ nets mensuels. Elle a déjà un appartement à Bordeaux (200 000€ de valeur nette), une assurance-vie de 150 000€ (80% fonds euros, 20% UC), et un PEA de 40 000€. Elle souhaite diversifier une partie de son épargne vers le private equity pour booster ses rendements sur le long terme.
Allocation private equity proposée (80 000€) :
Avantages fiscaux immédiats : 7 500€ de réduction d'impôt (FCPI + FIP), soit un coût réel d'investissement de 72 500€ pour 80 000€ placés.
Gain espéré après 8 ans (hypothèse TRI moyen de 10%) : environ 172 000€ bruts, soit 92 000€ de plus-value. Après impôt (flat tax 30%), gain net : environ 64 000€. ROI net : 88% sur 8 ans.
Profil 2 : Marc, 55 ans, chef d'entreprise, 200 000€ à investir
Situation : Marc a vendu sa société il y a 2 ans et dispose d'un capital de 1,2 M€. Il a déjà diversifié son patrimoine (immobilier, SCPI, assurance-vie), mais souhaite réinvestir dans l'économie réelle et soutenir des entrepreneurs.
Allocation private equity proposée (200 000€) :
Stratégie : Marc mise sur une diversification maximale (millésimes, secteurs, géographie) et sur sa capacité à apporter de la valeur ajoutée aux entreprises dans lesquelles il investit directement (mentoring, réseau commercial).
Gain espéré après 8 ans (TRI moyen 11%) : environ 460 000€ bruts, soit 260 000€ de plus-value. Après impôt et abattement pour durée de détention : gain net d'environ 220 000€.
Profil 3 : Sophie et Thomas, 35 ans, couple, 30 000€ à investir
Situation : Sophie et Thomas sont jeunes parents, salariés, revenus cumulés de 80 000€ nets par an. Ils ont déjà un premier bien immobilier et une épargne de précaution de 20 000€ (livrets). Ils souhaitent se constituer un capital long terme en vue de la retraite et de la transmission à leurs enfants.
Allocation private equity proposée (30 000€) :
Avantages fiscaux : 7 500€ de réduction, soit un coût net de 22 500€.
Gain espéré après 7 ans (TRI 9%) : environ 55 000€ bruts, soit 25 000€ de plus-value. Après impôt : gain net d'environ 19 000€. Le couple aura ainsi presque doublé son capital initial (22 500€ investis nets de réduction fiscale).
Sophie et Thomas prévoient de renouveler cette opération tous les 3-4 ans, en réinvestissant les gains dans de nouveaux fonds, afin de lisser les millésimes et de capitaliser progressivement sur le private equity.
Le private equity s'est largement démocratisé ces dernières années. Accessible dès 10 000€ via des fonds réglementés (FCPR, FCPI, FIP) ou des plateformes de crowdequity, il offre aux épargnants français une opportunité de diversifier leur patrimoine et de viser des rendements de 8% à 12% annuels sur le long terme.
Mais ce n'est pas un placement miracle. L'illiquidité (7-10 ans de blocage), le risque de perte en capital (15-20% des opérations échouent), et la complexité fiscale imposent une réflexion approfondie avant d'investir. Le private equity doit rester une brique complémentaire d'un patrimoine diversifié, jamais le cœur de votre stratégie.
Les clés du succès :
À Bordeaux et en Nouvelle-Aquitaine, l'écosystème entrepreneurial est dynamique : startups de la French Tech, PME industrielles, vignobles en transmission. Investir localement via un FIP régional permet de conjuguer performance financière et soutien à l'économie de proximité.
Le private equity n'est plus réservé à une élite. Avec les bons outils, les bons conseils, et la bonne discipline, il peut devenir un levier puissant de création de patrimoine sur le long terme.

